Dialogue entre un évêque et un curé sur les mariages des protestans (o.O., 1775)

© Sammlung PRISARD
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[Louis Guidi]:

Dialogue entre un évêque et un curé sur les mariages des protestans

Dialog zwischen einem Bischof und einem Pfarrer bezüglich den Eheschließungen der Protestanten

 

(dr). Louis Guidi (gest. 1780) ist katholischer Priester, Redaktionsmitglied der Gazette ecclésiastique und Anhänger der "Konvulsionisten", einer von Ekstasen und Wundern begleiteten Ausprägung jansenitischer Frömmigkeit. Der dem Jansenismus als einer katholischen Reformbewegung verpflichtete Guidi setzt sich in seinem Dialog zwischen einem Bischof und einem Pfarrer auch leidenschaftlich für die zivilgesetzlichen Rechte der Protestanten in Frankreich, inbesondere für die Anerkennung protestantischer Eheschließungen, ein.

 

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[20] "L´EVÊQUE. Je conçois, Monsieur le Curé, que l´animosité des Protestans contre les Moines & les Prêtres, est un des plus grands obstacles à leur réunion : mais que peut-on pour les faire revenir de leurs préventions ? Composer des Ouvrages polémiques ? Il y en a déjà tant de si solides, & si inutiles ! Les envoyer des Missionaires ?
LE CURÉ. Encore moins, Monseigneur. On travaille en vain sur les esprits, quand la haine ferme les cœurs. L´horreur pour le Ministre rejaillit sur le ministere : & quels succès peut-on attendre de ces Missions, dont les chefs sont regardés comme des tyrans, & leur adjonts comme de vrais fléaux ? On ne semeroit que sur des pierres. L´essentiel, Monseigneur, seroit de regagner par des bien-faits les cœurs des Protestans [...]"

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[24] "L´EVÊQUE. Je veux bien croire, Monsieur le Curé, que si les Evêques venoient à bout, à force de bienfaits, de dissiper les préventions des Protestans contre les Prêtres, on les rameneroit plus aisément à l´unité ; leurs cœurs s´ouvriroient sans peine aux influences de la divine parole ; notre ministere auroit plus de succès, le ministre étant vu de bon œil ; & le salut de tant d´infortunés qui périssent dans le schisme, seroit plus facile à ménager."

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[25] "LE CURÉ. Leur état [celui des Protestants, NDLR] parmi nous est fort singulier. Nombreux dans le Royaume, sans avoir une existence légale ; sujets du Roi, sans être citoyens ; tolérés dans la société, sans en être membres ; payant les impôts, & traités comme étrangers ; ayant la France pour patrie, & leur patrie ne les reconnoissant pas pour ses enfans ; travaillant enfin pour le bien de l´Etat dans les arts, dans le commerce, dans le militaire, & cependant exposés aux menaces de loix pénales qui, je l´avoue, ne s´exécutent pas, mais dont la rigueur iroit à les condamner à des peines afflictives.  D´où vient ce mêlange bizarre de traits aussi disparates ? De la différence des Religions, dont l´une plus puissante tient l´autre dans l´oppression."

 

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[33-35] "LE CURÉ. Nous nous éleverons toujours avec force contre le projet de valider les mariages des [34] Huguenots. Pourquoi ? C´est qu´en rendant cette légitimité qu´ils desirent dépendante de leur conversion, nous les forçons par-là de venir à nos Catéchismes, d´écouter nos Instructions de fréquenter nos Eglises, & de faire enfin à l´extérieur tous les actes de Catholicité qui nous autorisent à leur ouvrir les tribunaux de la pénitence, à recevoir leurs abjurations, à les introduire dans nos Sanctuaires, à les admettre à la participation des saints Mysteres, à bénir enfin l´alliance qu´ils veulent contracter. [...] [35] Qu´arrive-t-il ? Les nouveaux mariés, contens d´avoir dérobé le bénéfice de la loi, se hâtent de remettre leur conscience à l´aise, ou plutôt sont tristement forcés de jouer un double personnage : Huguenots, sans oser le dire ; Catholiques, sans oser le parôitre […]"

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[38-39] "LE CURÉ. Dans le Conseil de Louis XIV, on a bien senti que l´essentiel, pour extirper l´hérésie, étoit de s´emparer de la génération naissante, en la rendant toute Cathlique ; c´en étoit fait du Protestantisme, il étoit tari dans sa source. De-là tant d´efforts pour enlever les enfans des Hérétiques, & leur faire sucer le lait précieux de l´orthodoxie ; de-là ces défenses si rigoureuses de les baptiser au désert, ces amendes si [39] multipliées contre les réfractaires, ces formules de foi qu´on faisoit signer mêmes à des enfans de sept ou de huit ans, ces expéditions militaires pour arracher les enfans des bras de leurs meres… Je conviens, Monseigneur, que c´est-là porter la coignée à la racine de l´arbre ; mais est-on en droit de le faire ? Le moyen est efficace ; mais est-il juste ? Procurer un vrai bien par une injustice, n´est-ce pas un vrai mal ? Et le moindre mal ne rend-il pas coupable, dût-il conduire au plus grand bien ?"

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[61-62] "L´EVÊQUE. J´ai commencé par leur [ses collègues, NDLR] représenter les scandales que donnoient les Protestans dans nos Dioceses, en se mariant, les uns sans recevoir le Sacrement de Mariage, les autres en le profanant. Les premiers font des bâtards, & les autres font des sacrileges : les uns font dans le cas d´être poursuivis par la loi, comme concubinaires ; les autres, qui jouent le rôle de convertis, se moquent de la Religion, en imposent aux Curés, achetent des billets de confession, & s´embarassent peu de fouilles nos sanctuaires, pourvu qu´ils dérobent une bénédiction qui ne les rend que plus criminels, en donnant à leur mariage un air de légitimité. Ne seroit-il pas temps de mettre [62] fin à des procédés si scandaleux ?"

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[74-75] "LE CURÉ. Que les Protestans aillent au cabaret, à la comédie, dans les lieux de débauche, on ne leur dira mot ; & on les menacera du cachot ou des galeres, s´ils assemblent sans éclat, sans appareil, pour deman- [75] der à Dieu la santé du Roi & la prospérité du Royaume !"

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[78-79] "LE CURÉ. Dans le nouveau Tes- [79] tament où trouve-t-on, Monseigneur, pour des Evêques l´étrange devoir de pousser le glaive dont le Prince est armé, contre une partie de ses Sujets, parce qu´ils se réunissent pour prier Dieu, & parce qu´ils sont assez malheureux pour le prier sans fruit ? Les Apôtres s´élevent avec force contre l´idolâtrie ; mais, puissans en œuvres & en paroles, ils n´ont que des bienfaits dans leurs mains, ni dans leurs bouches que des paroles de charité. S. Paul, dans Ephese, gémit avec ses coopérateurs sur l´aveuglement des adorateurs de la grande Diane ; mais en fait-il abattre le temple ? Propose-t-il quelque violence contre les Ephésiens ? Se permet-il même, si l´on en croit le Secrétaire de la ville, des paroles injurieuses contre le culte dominant ? Neque sacrilegos, neque blasphemantes deam vestram."

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[89] "LE CURÉ. Ce n´est pas la Foi qui triomphe alors, Monseigneur, c´est la violence. La Foi ne connoȋt pas l´usage du glaive : notre Religion est une Souveraine dont le trôbne n´est cimenté que par le sang de les enfans, jamais par celui de ses ennemis. Dans quel aveuglement étoient nos ancêtres, de faire bannir, pendre ou brûler les Protestans ! On les multiplie par-là, au-lieu de les anéantir. Les cendres de Jean Hus lui ont fait plus de disciples que ses sermons : & brûler un Hérétique, n´est-ce pas de tous les crimes le plus affreux ?"

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[108-109] "LE CURÉ. Les Protestans, dites-vous, se multiplieront. Cela est vrai : mais les Catholiques n´auront-ils pas le même avantage ? Le fécondité des uns [109] frapperoit-elle les autres de stérilité ? Portons le nombre des premiers à quatre millions, c´est le plus ; celui des autres à douze, c´est le moins : en retranchant les célibataires, la disproportion restant toujours de quatre à douze ; rend visiblement impossible la supériorité en nombre du côté des Protestans. Supposons même cet impossible : ils prévaudront en nombre. Soit : la vérité, pour cela, succombera-t-elle ? Que les Madianites s´avancent par milliers, la victoire ne sera-t-elle pas toujours du côté de Gédéon ? La Cité sainte est sur une montagne inébranlable : la terre peut trembler sous elle, mais jamais s´écrouler. Que l´hérésie arme contre l´Eglise des millions d´ennemis ; il ne sera jamais donné aux portes de l´enfer de prévaloir contre elle. Témoigner même aux Protestans qu´on les craint, n´est-ce pas manifester la foiblesse [= faiblesse] de notre foi, grossir l´idée qu´ils ont de leurs forces, les entretenir dans l´erreur ? C´est douter des promesses faites à l´Eglise, c´est avilir notre cause, c´est tout perdre. Qu´avons-nous à craindre ?"

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[113] "LE CURÉ. Non, il ne faut pas permettre aux Hérétiques d´exister, Oportet hæreses non esse ? C´est bien un devoir d´empêcher leurs progrès, de dévoiler leurs artifices, de combattre leurs raisonnemens, de confondre leurs calommies, de relever leurs bévues, de démontrer leur ignorance ou leur malice : mais les priver de leur état, les dépouiller de leurs biens, les troubler dans leurs alliances, leur ravir les droits de citoyens, de peres, d´époux ; j´ose l´assurer, Monseigneur ; vous ne trouverez jamais ici, dans la tradition ni dans l´Ecriture, l´apologie d´une pareille conduite."